MON ÂME ERRE AUTOUR DE TA MAISON
concert voix et piano
Place de l’Eglise
Carnac (centre bourg)
mardi 2 septembre | 19H
Florian Störtz, baryton
Juliette Journaux, piano
PROGRAMME
OSKAR POSA
Lieder
JOHANNES BRAHMS
Lieder
HUGO WOLF
Lieder
GUSTAV MAHLER
Lieder
Prolongeant la conférence donnée à 17h par Olivier Lalane le même jour, ce Liederabend nous offre une plongée dans la Vienne postromantique du tournant du siècle.
Mais au juste, qu’est-ce que ça veut dire, « postromantique » ? C’est ainsi que l’on désigne le mouvement qui vient après ce qu’on appelle le Premier et le Second (et même le Troisième !) Romantisme : des compositeurs qui ont reçu une éducation classique, mais qui sont avant tout imprégnés par la musique de leurs aînés immédiats – Schumann, Chopin, Liszt, Wagner, Berlioz, pour ne citer que les principales figures.
Cela va donner des personnalités dont l’imaginaire est nourri par les grands thèmes du Romantisme, notamment germanique, mais qui vont aussi exacerber les tensions et tout ce qui était déjà extrême dans l’écriture musicale romantique : ainsi, le chromatisme wagnérien va devenir un super-chromatisme qui ouvrira la voie à la modernité de la Seconde École de Vienne ; les formes vont se dilater à l’envi, faisant exploser les modèles classiques – et même Brahms, qui deviendra, un peu malgré lui, le champion d’une esthétique plus réactionnaire hostile à tout boursouflement et tout bouleversement, n’échappera pas à ce phénomène d’amplification et de dilatation formelles.
Les Postromantiques ne forment pas un mouvement cohérent, mais plutôt un ensemble de personnalités originales qui partagent des obsessions communes. Cela donne deux générations de créateurs aux styles extrêmement différents, mais qui œuvrent dans des directions similaires. Du Romantisme, on retrouve le goût pour un certain désespoir, et un pessimisme souvent teinté d’ironie, mais frisant désormais la caricature – ce que la critique de l’époque leur reprochera de façon acerbe.
Le recours au conte et au merveilleux est également un héritage romantique, mais réinterprété de façon grinçante. Une atmosphère étrange se dégage de ces œuvres, qui semblent entretenir des liens puissants avec le mouvement Symboliste dans les arts plastiques, et, là encore, préparer le chemin vers l’Expressionnisme : le glauque, le crépusculaire, le maladif, la touffeur et la difficulté d’être sont des thèmes récurrents, et nombre d’œuvres postromantiques offrent situations et récurrences qui auraient ravi le Docteur Freud.
Cependant, cette musique se déploie dans une atmosphère de beauté et d’esthétique presque insupportable : les sublimes accords wagnériens sont répétés et étirés à l’infini, le contrepoint se fait sans cesse plus dense et chargé, l’écriture virtuose s’écarte de la simplicité – à l’exception des vignettes dans le ton populaire (Volkston). Cette musique exprime sans doute un certain malaise à être en phase avec sa propre époque, très bourgeoise et superficielle, autant qu’une aspiration à un art neuf mais comme doutant de lui-même, de sa légitimité ou de son avènement.
On succombe aisément au poison noir et délicieux du Postromantisme, à cette atmosphère vénéneuse et séduisante comme une fleur du mal, où toute femme est fatale, où la mort guette à chaque coin de portée. Quelque chose d’une société en train de se défaire, de se fissurer, passe dans ces Lieder, avec cependant l’espoir secret sinon d’une résurrection, du moins d’une salvation in extremis – d’un miracle ?