L’OISEAU NOIR DANS LE SOLEIL LEVANT
L’édition 2022 du festival Terraqué s’ouvre sur le rivage carnacois, en ce point où l’immobilité de la terre offre un contraste et une résonance à l’éternel mouvement de l’eau. Autour de cette dualité, qui fait l’identité profonde — et toute la beauté — de ces journées festives, la musique vient nous parler d’évolutions et de transformations. Mort et (re)naissance, tension et résolution, errance et aboutissement ; il nous est proposé un véritable voyage initiatique au travers duquel chacun de nous pourrait définir, trouver et rejoindre sa propre terre promise.
Le festival entre d’abord lui-même en mouvement, en développement ; de son berceau, Carnac, il étend désormais ses cercles non seulement à La Trinité, mais encore à Auray. Dans leur variété géographique mais aussi formelle, au travers d’un atelier pédagogique, d’un concert solidaire, des ateliers quotidiens Tous Au Chant, des œuvres chatoyantes de la plasticienne Magdalena Maatkare, de récitals de musique de chambre ou de soirées symphoniques et lyriques, tous les visages du festival disent d’éclatante façon avec quelle culture, quelle finesse et quelle générosité il a été élaboré.
Couronnement d’un ensemble remarquable de travaux et de choix, le programme y est véritablement présentation et représentation : il est le fruit d’une volonté agissante, collective, ajustée au temps long de l’année — ou de cycles pluriannuels. Ainsi le travail souterrain de l’ombre est-il magnifié, porté à la lumière et à la polychromie du spectacle ; ainsi la musique vient-elle toucher à l’ineffable, à l’intime, au cœur des choses. Un philosophe allemand jugeait d’ailleurs que l’influence de la musique était plus puissante et plus pénétrante que celle des autres arts, parce que ceux-ci n’expriment que l’ombre, tandis qu’elle parle de l’être. Nous sommes des êtres de terre et d’eau : des êtres faits pour l’onde, la vibration, la trépidation musicale.
Bal(l)ades, chevauchées, pèlerinage, toutes les formes de marche — y compris funèbres — se proposent de nous mener, à travers une nuit parfois ténébreuse, à travers l’oubli, la distance et l’exil, vers un réveil de l’âme permis et opéré par le voyage musical. Il y a du nouveau monde dans cette aube aux allures de royaume ou de résurrection. Un grand soir ? Un petit matin, plutôt, où nous ouvririons sur le monde un regard renouvelé. Entre minuit et midi, si nous nous sommes risqués hors de notre intérieur familier, une lumière naissante et oblique dessine à nos côtés notre ombre, « esprit libre et voyageur », selon un autre philosophe allemand, qui, sollicitant notre connaissance, notre intelligence, nous révèle à nous-mêmes.
« Maintenant ma dernière chaîne est tombée — l’immensité sans bornes bouillonne autour de moi, bien loin de moi scintillent le temps et l’espace, allons ! en route ! vieux cœur ! »
Émilie de Fautereau-Vassel
Présidente de l’association Festival Terraqué
UN FESTIVAL POUR CÉLÉBRER ET PARTAGER NOTRE PATRIMOINE
Rendez-vous carnacois incontournable, la 6ème édition du festival TERRAQUÉ créé par Clément Mao – Takacs vient illuminer la commune pour la fin d’été. Grâce à ce remarquable musicien et pédagogue accompagné par les excellents musiciens de son SECESSION ORCHESTRA et une pléiade de personnalités artistiques exceptionnelles, le festival TERRAQUÉ propose un itinéraire musical et géographique singulier.
Sillonnant le territoire, ils nous invitent à (re)découvrir la commune et son riche patrimoine historique, naturel et culturel. Chapelles, vestiges mégalithiques, plages et campagnes verdoyantes constituent un écrin exceptionnel pour l’expression de la musique et de la création artistique.
Le festival TERRAQUÉ est une formidable aventure musicale et humaine, grâce à l’implication remarquable des artistes, des organisateurs, des bénévoles et des partenaires toujours plus nombreux. Cette semaine musicale est un évènement majeur qui réaffirme la place, essentielle, de la culture dans la vie de notre commune.
Olivier Lepick
Maire de Carnac
LA TRAVERSÉE DES APPARENCES
Lorsque paraît le programme définitif du festival, c’est toujours un plaisir de voir que la nouvelle édition se présente comme un ensemble cohérent qui semble prendre naturellement sa place à la suite des précédentes, annonçant les suivantes. Voir l’enchaînement des concerts s’ordonner sur l’écran ou le papier, c’est presque un premier état de réalisation du festival.
Pourtant, ce qui est présenté alors n’est que le stade ultime d’une série de propositions qui ont été étudiées, modifiées, malaxées, variées, écart[el]ées, amputées, fusionnées pendant des jours, des semaines, des mois – il y a parfois jusqu’à dix versions complètes et différentes d’une édition jusqu’à ce programme présenté aux publics. Avant ce grand portail glorieux dont le fronton respire – je l’espère ! – la sérénité et l’équilibre, ce sont des jours et des nuits à réfléchir, à agencer, à ôter, à ajouter ; il faut prendre en considération l’impulsion artistique autant que les contraintes de tout ordre, être à chaque fois plus ambitieux mais rester raisonnable, ménager la chèvre et le chou, proposer du connu et de l’inconnu en justes proportions, corriger les choses qui dysfonctionnaient, discuter avec les collaborat•eur•rice•s et les ami•e•s pour tester les différentes versions, trouver le lieu et la temporalité qui conviennent le mieux – pour l’expression de chaque personnalité artistique comme pour la réception par les publics.
Ce que vous découvrez à présent est donc le fruit d’une réflexion collective, d’allers-retours, d’échanges et de changements. Il n’est pas dit que cette ultime version soit la meilleure, ou la moins bonne, ou la préférée : mais elle est celle qui existe-ra. C’est un travail que nous avons mené en commun avec les équipes du festival, de la Mairie et de la Paroisse de Carnac, avec nos partenaires fidèles comme Ouest-France, avec les municipalités qui participent désormais au festival (La Trinité-sur-Mer, Auray), avec notre cercle de mécènes. C’est un travail de déconstruction et d’équilibre(s) précaire(s) pour que puisse s’élever une cabane provisoire construite par et sur les doutes et les convictions, pour que puisse exister une forme qui se répète et cependant demeure improvisée et flottante, libérée de ce qui n’est pas essentiel.
Ce que vous ne voyez pas, et qui pourtant y est aussi, c’est tout ce qui est caché : à côté de ce qui est dit, tout ce qui n’est pas dit ; à côté de ce qui est présenté, tout ce qui n’a pas pris place ici, dans cet espace-temps de neuf journées. Tout cela est tout de même présent, d’une manière ou d’une autre – ou le sera peut-être dans le futur. Comme chaque année, il y a des fils rouges et des fils transparents que j’ai tressés et entrelacés pour tisser cette édition. Certains sont visibles ; d’autres moins apparents ; vous pouvez y être sensibles ou indifférents : peu importe. Libre à vous de venir pour un/des concert(s), ou de vivre le festival dans son intégralité, même si les titres et le contenu des concerts sont une in-v/c-itation à lire la programmation comme un tout signifiant offrant de multiples interprétations. Car tout, ici, dialogue, s’oppose, se complète et se répond, se noue et se dénoue, se dérobe, s’offre et se révèle à celui/celle qui souhaite en pénétrer les arcanes ; et chaque partie recèle un fragment d’une totalité qui ne peut que nous échapper.
L’essentiel est, pour moi, qu’un certain esprit circule d’une journée à l’autre, d’un concert à l’autre, d’un artiste à l’autre, d’une œuvre à l’autre. J’espère que, comme les années précédentes, vous, publics, sortirez de ces différents évènements émus et amusés, bouleversés et bousculés, changés et ayant envie d’échanger. Que ce festival soit un lieu de rencontre(s) qui nous donne l’occasion de réfléchir, de rêver, de veiller ensemble et de s’é(mer)veiller – voire : de se « rêveiller » –, et qu’il soit autre chose qu’un simple fast-food de consommation culturelle : voilà toute l’ambition que nous mettons dans ce projet artistique. Le festival Terraqué est une célébration, et c’est vous tou•te•s – artistes, administratifs, techniciens, bénévoles, publics – qui, réuni•e•s, lui donnez sens, légitimité et vie.
Clément Mao – Takacs
Directeur artistique