CONSTRUIRE DIT-IL

Lorsqu’on observe le comportement infantile, on est frappé par la coexistence de deux mouvements : l’un consiste à construire, l’autre à détruire. J’ai, pour ma part, toujours été fasciné par le plaisir que prennent certains enfants à piétiner les châteaux de sable ou à éparpiller le mécano qu’un autre a patiemment édifiés.

Et puis, il y a les enfants, nombreux, qui regardent, qui assistent, silencieux et apparemment passifs, au saccage : comme si c’était cela la norme – se taire, s’écarter, faire comme si de rien n’était ou comme si l’on n’était pas concerné•e. En réalité, à partir du moment où nous regardons, où nous avons connaissance, où nous sommes témoins, nous sommes, toutes et tous, responsables.

C’est donc un choix qui s’opère, sur la plage ou dans la cour de récréation, quand nous laissons s’accomplir la violence, quand nous décidons de détourner le regard, quand nous choisissons cette position intenable : être présents sans s’engager.

Et ces comportements de l’enfance se retrouvent, année après année, chez ceux et celles qui sont – ou croient – être devenus adultes. Leur comportement d’adulte est alors comme un approfondissement de leur comportement infantile : les destructeurs détruisent encore plus, les attentistes et abstentionnistes se dérobent sans cesse, et les (trop rares) constructeurs s’obstinent, comme ceux et celles, encore plus rares, qui se dressent contre les injustices, à haute et intelligible voix.

Ce qui se joue là, dans ces moments de l’enfance reportés dans la vie d’adulte, ce sont, au fond, les positions que l’on retrouve dans tous les récits de conflits qui fondent l’histoire de l’humanité et ses mythes les plus anciens. Dans toute situation, il faudrait pouvoir se poser la question : serais-je une victime désignée, destinée à subir mon sort comme une bête qu’on mène à l’abattoir ? Serais-je un résistant – de la première ou de la dernière heure ? Serais-je un commentateur discret ou claironnant ? Serais-je un collaborateur ? – avec toutes les nuances qu’on peut invoquer alors, du collaborateur de surface au collaborateur zélé. Quel que soit le sujet, se pose inévitablement la question : suis-je du côté des bourreaux, des victimes ou bien de ceux qui tentent de s’interposer, d’une manière ou d’une autre ?

Il n’est pas indifférent – en tout cas : il ne m’est pas indifférent – que le monde de 2025 soit un monde déchiré par les conflits et des menaces, et que ce monde tutoie les limites de la coexistence et de sa propre existence. La question du devenir n’a jamais été aussi brûlante, et nous sommes cernés, à chaque seconde, par la possibilité d’un anéantissement.

Dans de telles circonstances, pourquoi, me direz-vous, s’obstiner à construire, quand tout est sur le point d’être possiblement anéanti ? Parce qu’il me semble que c’est la seule affirmation possible, qui soit à la perpendiculaire de l’éthique et de l’humanisme. C’est là, sur cette branche fragile, que peut se tenir un oiseau qui chante – fût-ce une dernière fois avant le crépuscule ou une première fois sur des décombres fumants.

Il y a, dans l’acte de faire un festival, la volonté de fêter, de fédérer, de se retrouver, malgré le temps qui passe – et peut-être justement pour prendre conscience du temps qui passe en passant du temps ensemble. C’est un outil de mesure, à la fois de nos vies et de l’état du monde.

Cet état du monde, nous l’évoquons chaque année dans notre programmation : nous faisons entendre les voix étouffées, les textes littéraires et musicaux oubliés, les corps disparus et dispersés ; nous portons la lumière sur les violences ; nous essayons de vous proposer tout ce qui n’est pas glissement, scrollage, effacement, dispersion mais au contraire attention, formulation, mémoire, concentration ; nous vous considérons, spectateurs/spectatrices, auditeurs/auditrices, non comme des consommateurs avides pour qui tout se vaut, mais comme des être pensants doués à la fois de la capacité de (res)sentir et d’exercer leur esprit critique.

Mais nous essayons aussi de vous apporter un je-ne-sais-quoi qui vous réchauffera un moment, qui vous portera un peu plus loin, qui vous permettra de mieux respirer dans le flot angoissant de l’actualité : une énergie qui vous galvanisera, qui réactivera votre désir de vivre, et qui vous rappellera à l’ordre et à ce qu’il y a de meilleur en vous-mêmes, en vous exhortant à contempler la beauté du Monde.

Je n’ai pas la prétention de croire que ce que nous faisons est essentiel ; en revanche, je suis persuadé que cela touche à quelque chose d’essentiel. Dans l’acte de construction qui a lieu chaque année avec le Festival Terraqué, quelque chose tient, nous tient droit, se maintient et rétablit ainsi un équilibre.

Équilibre ô combien précaire, et qui ne repose que sur de très rares bonnes volontés : la culture demeure un art du funambule, pratiqué de plus en plus sans filet. C’est qu’il est si facile de se défiler : la volonté de construire demande une abnégation, une constance et un courage sans paroles ; à l’inverse, le désir de détruire trouve toujours les meilleurs prétextes du monde et se pare volontiers des meilleures intentions.

À qui donc se fier ? La lâcheté, l’envie, la jouissance de la trahison, la délectation de voir l’autre chuter seraient-elles les choses les mieux partagées du monde ? À cela, je ne peux et ne sais apporter qu’une réponse : continuer à édifier, à tous les sens du terme – celui d’une exemplarité, et celui d’une construction patiente, obstinée, qui s’impose à court, moyen et long terme par son évidence.

Poursuivons donc ce travail sans s’arrêter aux grincheries et autres figures de la réprobation ; et, comme le préconise Oscar Wilde avec humour, efforçons-nous de « toujours viser la lune ; au pire, on risque seulement de retomber parmi les étoiles ». C’est, je crois, ce que je fais depuis 9 ans ici, à Carnac, avec le Festival Terraqué et des compagnonnages plus ou moins fidèles. Et si à l’impossible, dit-on, nul n’est tenu, je crois au contraire que c’est l’Impossible qui doit toujours guider nos cœurs et nos pas.

Que cette édition #9 soit un chemin de lumière et de paix, un paysage harmonieux où l’Homme et la Nature trouvent à s’entendre. J’ai invité comme chaque année des artistes généreux, conscients de leur mission d’interprètes, des créateurs et créatrices engagé•e•s ; j’y ai réuni, autant que possible, différentes formes, différentes époques, différents styles qui dialoguent et créent des ponts.

Maintenant, c’est à vous de répondre à ces propositions, par votre présence, par votre écoute, par votre soutien. À vous de décider si vous voulez ajouter votre coquillage à ce palais de sable ou bien réduire en pièces le gracieux vaisseau fait d’une infinité de fragiles allumettes. Peut-être vous contenterez-vous de passer au loin, ignorant tout cela, indifférent•e•s et détaché•e•s : c’est votre affaire, et surtout votre responsabilité. Car vous portez aussi ce qui est à-venir entre vos mains.

Clément Mao – Takacs

UN FESTIVAL POUR CÉLÉBRER ET PARTAGER NOTRE PATRIMOINE

Rendez-vous carnacois incontournable et attendu par toutes et tous, la 8ème édition du festival TERRAQUÉ créé par Clément Mao – Takacs vient illuminer la commune pour la fin d’été.

Grâce à ce musicien reconnu internationalement, à ses qualités de pédagogue, notre commune bénéficie de la venue d’une pléiade de personnalités artistiques exceptionnelles, d’un orchestre – et même d’un ensemble vocal !

Sillonnant le territoire, le Festival TERRAQUÉ nous invite à (re)découvrir la commune et son riche patrimoine historique, naturel et culturel. Chapelles, vestiges mégalithiques, plages et campagnes verdoyantes constituent un écrin exceptionnel pour l’expression de la musique et de la création artistique.

Le festival TERRAQUÉ est une formidable aventure musicale et humaine, grâce à l’implication remarquable des artistes, des organisateurs, des bénévoles et des partenaires toujours plus nombreux. Cette semaine musicale est un évènement majeur et un symbole vivant qui réaffirme la place, essentielle, de la culture dans la vie de notre commune.

Dans notre paysage familier des mégalithes, le Festival Terraqué est bien devenu un « dolmen musical » autour duquel nous sommes heureux et fiers de nous retrouver, année après année.

Olivier Lepick
Maire de Carnac