L’ONDOYANT INFINI DU FÉMININ

« La musique m’a toujours paru à la fois un spécifique et une fête. »
Marguerite Yourcenar, 
L’Œuvre au noir

« Le dessin musical et la phrase naissent du même couple évasif et immortel : la note, le rythme. »
Colette,
Mes Apprentissages

Déposé par une vague sur le rivage carnacois comme une déesse anadyomène, le programme de la septième édition de  Terraqué  vient nous parler de corps et d’âme, de nuit et d’aube, de châteaux et de chimères, sous des auspices résolument féminins. Bien des fées se sont penchées sur son berceau : compositrices — nombreuses, toujours à l’honneur à  Terraqué, autour de Kaija Saariaho qui nous quitta cette année — autrices et poétesses sont venues discrètement nimber le festival de prophétique douceur et d’attentive sollicitude, y célébrer la beauté, la fécondité, la spiritualité.

Ouvrez ce programme, plongez-y  : que la parole de ces femmes vous emplisse, qu’elle transfigure votre expérience musicale. Colette écrit, dans  Mes Apprentissages  : « Le dessin musical et la phrase naissent du même couple évasif et immortel : la note, le rythme ». Elle ajoute : « Si j’avais composé au lieu d’écrire, j’aurais pris en dédain ce que je fais depuis quarante ans. Car le mot est rebattu, et l’arabesque de musique éternellement vierge… ». L’arabesque est chère à Debussy, dont Colette fut une amie ; l’arabesque roule et se déroule comme la vague et son ressac — et Carnac est un lieu parfait pour rêver à la musique-océan, ou à l’océan-musique, dont Hélène Cixous forge, pour définir le mouvement et le son, le beau mot de « houloulements ».

Certes, personne n’oublie Baudelaire proclamant que «  la musique souvent  [nous]  prend comme une mer  »  ; mais qui se souvient de Renée Vivien, selon qui la musique « enveloppe et entraîne comme l’eau » ? « À mon grand regret inlassable, je ne suis point musicienne », écrit-elle dans Une femme m’apparut. «  La Musique n’est pour moi qu’une évocation. Et pourtant, comme la Mer, elle est l’Infini  ».

Vous aimez  Terraqué ; alors, je vous invite à apporter toute votre attention au festival, à prendre soin de lui comme il prend soin de nous tous. «  À la fois un spécifique et une fête  » : ce que disait Marguerite Yourcenar de la musique pourrait être notre devise festivalière. Continuez à le faire vivre, soyez présents, faites-le connaître, invitez vos proches, devenez mécènes, saluez les musiciens, offrez-nous vos témoignages et vos ressources de toute sorte. Profitez des formules souples pour combiner les concerts, venez visiter la superbe exposition photographique et travailler en chœur dans les ateliers  Tous au chant  !  que vous aimez tant… Le festival a besoin de toute l’énergie, de tout l’élan et l’allant de nos amis fidèles. Nous bénéficions bien sûr, déjà, de l’indéfectible soutien de la mairie, de nos partenaires et de nos bénévoles, auxquels je veux exprimer ici ma plus chaleureuse reconnaissance, au nom de toute l’association  Festival Terraqué  que je préside ; mais c’est le public qui permet, qui renouvelle et fait grandir  Terraqué !  «  Nous sommes les mots, nous sommes la musique, nous sommes la chose elle-même  » : puissent ces mots de la grande Virginia Woolf nourrir notre commun désir de cultiver ensemble notre festival.

Émilie de Fautereau-Vassel
Présidente de l’association Festival Terraqué
presidence@festivalterraque.com

Vous souhaitez vous impliquer dans l’organisation du festival, nous aider dans la recherche de partenariat, participer au développement de Terraqué ? N’hésitez pas à nous contacter !

UN FESTIVAL POUR CÉLÉBRER ET PARTAGER NOTRE PATRIMOINE

Rendez-vous carnacois incontournable, la 7ème édition du festival TERRAQUÉ créé par Clément Mao – Takacs vient illuminer la commune pour la fin d’été. Grâce à ce remarquable musicien et pédagogue accompagné par les excellents musiciens de son SECESSION ORCHESTRA et une pléiade de personnalités artistiques exceptionnelles, le festival TERRAQUÉ propose un itinéraire musical et géographique singulier.

Sillonnant le territoire, ils nous invitent à (re)découvrir la commune et son riche patrimoine historique, naturel et culturel. Chapelles, vestiges mégalithiques, plages et campagnes verdoyantes constituent un écrin exceptionnel pour l’expression de la musique et de la création artistique.

Le festival TERRAQUÉ est une formidable aventure musicale et humaine, grâce à l’implication remarquable des artistes, des organisateurs, des bénévoles et des partenaires toujours plus nombreux.  Dix jours où la musique résonne et rayonne presque durant toute la journée, depuis les ateliers vocaux collectifs aux concerts du soir (et parfois deux par soirée cette année !) en passant par les récitals. Le Festival Terraqué est un évènement majeur, à visage humain et à portée humaniste, qui réaffirme la place, essentielle, de la culture dans la vie de notre commune.

Olivier Lepick
Maire de Carnac

LES CERTITUDES DU DOUTE

«  La vraie mort est d’oublier.  »
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«  Tu as remarqué comme les mouettes, même quand elles volent en groupe, semblent toujours d’une solitude absolue ?  » 

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Goliarda Sapienza, Les certitudes du doute

Chaque année apporte son lot de surprises, de bonnes et de mauvaises nouvelles, de joies et de souffrances  : pourtant, dans les tourmentes de la vie et la fureur de vivre, le Festival Terraqué demeure – menhir, amer, phare. Je ne prétends pas qu’il soit essentiel ou éternel ; mais peut-être nous indique-t-il que quelque chose s’efforce de tenir, de maintenir, de tendre, contre vents et marées, des fils pour relier les êtres et les œuvres.

C’est tout de même la 7ème édition du festival – son entrée dans l’âge adulte  ? –, et donc une étape particulière. Dans un moment où le monde de la musique classique et du spectacle vivant connaît une récession économique, des coupes budgétaires, des fragilisations, je veux saluer le soutien constant et remarquable de la commune, de la communauté de communes (AQTA) et du département, l’accueil chaleureux et l’ouverture d’esprit de la paroisse mais aussi le travail formidable de notre toute petite équipe qui déplace chaque année des montagnes pour offrir au public ce festival qui ne ressemble à aucun autre.

Et puis, il y a les artistes programmé.e.s  : ce sont ceux et celles qui répondent d’emblée à mon appel, qui viennent parce qu’ils savent que nous nous efforçons, ensemble, de faire et de donner à entendre du beau, du bon, du bien, et qui n’épargnent ni leur peine, ni leur temps. Il y a chez eux / elles une générosité et un amour de la musique et des arts qui, je crois, donnent à ce festival toute sa personnalité et sa saveur.

Le programme de cette 7ème édition nous fera entendre des apocalypses joyeuses et des espoirs de résilience, des passions et des apaisements, des extases et des désespoirs, des déchirements et des réconciliations, des prières et des supplications, des idylles naissantes et des retrouvailles, des déplorations et des lamentations, des musiques du passé et du présent, des compositrices et des compositeurs, des instruments rarement entendus en soliste et des pianos caressés par des mains nombreuses, des chansons d’aube et des poèmes nocturnes, des cris du corps et de l’âme.

On me demande souvent : « Quel est le thème de cette édition ? Quel est le fil rouge cette année ? ». Et je réponds, invariablement : « Il y en a plusieurs, et nul besoin de les souligner ». De fait, je crois que, si vous scrutez attentivement la programmation, vous saisirez forcément un, deux, trois, sept, dix, vingt, cent, mille fils. Si je devais absolument vous aiguiller, je dirais que cette édition parle de l’absence, de ce qui (nous) manque – à tous les sens du terme : ce dont on ressent le manque et ce qui a manqué à une parole donnée – ; de ce qui nous est ôté – physiquement, moralement, spirituellement – ; de la perte, de ce qui est perdu – temporairement ou à jamais – ; de tout ce qui fait que nous nous sentons égaré.e.s en ce monde.

Oui, cette 7ème édition parle de cet instant de bascule où nous perdons l’équilibre, où tout vacille, où nous doutons de tout et de nous-mêmes, où ne demeurent plus que les certitudes du doute  : plus rien ne nous paraît désirable, possible, faisable, envisageable ; et pourtant, nous faisons, nous édifions, nous construisons, malgré tout l’inconfort et la sensation d’impossible. C’est que nous continuons à espérer, au milieu des ténèbres, la lumière et le miracle – d’une rémission, d’une apparition, d’une renaissance.

Et au milieu de cette marée de sentiments et de ressentiments, de pulsions et de répulsions, nous comprenons peu à peu que tout se rapporte à des questions de ruptures et de sutures, de plaies et de cicatrices, et que nous avons besoin de ces lieux de rencontres et de partage que sont les concerts, et de ce rituel annuel qu’est un festival  : un espace-temps où l’on est altéré et désaltéré par l’Autre et par les Autres – c’est-à-dire à la fois érodé, modifié, et en même temps (r)amené à ce qu’il y a de meilleur en nous-mêmes. C’est, en tout cas, au milieu des doutes, ma seule certitude : que le Festival Terraqué a cette mission-là, et que nous allons vivre chaque concert avec toute l’intensité possible : bon festival à tou.te.s !

Clément Mao – Takacs
Directeur artistique