JE SUIS UN VOLCAN

concert orchestre

ÉGLISE SAINT CORNÉLY
Place de l’Eglise
Carnac (centre bourg)

samedi 6 septembre | 19H

Orchestre du Festival
Clément Mao – Takacs, direction

PROGRAMME

PÁL HERMANN
Suite pour orchestre

GUSTAV MAHLER
Andante < Sixième Symphonie

LUDWIG VAN BEETHOVEN
Symphonie n°2

  • Adagio molto – Allegro con brio
  • Larghetto
  • (Scherzo) Allegro
  • (Finale) Allegro molto

Du volcan, on retient généralement le moment magnifique et terrifiant de l’éruption : explosions, flammèches, nuages de feu et de cendres, coulées de lave brûlante, grondements, tephras, gaz, pyroclastes… Mais cela n’est que la résultante d’un travail continu, souterrain, d’une mise sous pression : quelque chose doit sortir, percer la croûte, arriver à la surface.

Dans un mouvement libératoire et parfois meurtrier, ce qui était jusqu’alors contenu doit jaillir, à n’importe quel prix. L’acte d’interpréter est d’ailleurs comparable à celui qui consisterait à réveiller des volcans éteints, comme on réveille des dragons endormis dans les contes. Un•e interprète doit avoir le courage de faire jaillir, d’oser des sons inouïs, de restituer la virulence d’une partition qui sidèrera l’auditeur.

Certaines musiques possèdent ce caractère rugueux, éruptif : une énergie circule en elle, irrépressible. Bouffées et accès alternent avec des moments de calme relatif. On ne sait jamais ce qui va arriver, et l’on a l’impression de danser sur un montagne de feu dont les entrailles peuvent se réveiller à n’importe quel moment. En d’autres places, le rythme est si effréné qu’on se dit que cela ne s’arrêtera jamais, dans un trépidant mouvement perpétuel – comme dans les mouvements extrêmes d’une symphonie de Beethoven ou dans la musique endiablée de Hermann.

Mais ce ne sont pas uniquement des musiques rapides, fortes, violentes : certaines musiques sont tout à fait calmes et exquises en leurs commencements tels des volcans en sommeil ; mais, comme des volcans sous-marins, leurs explosions n’en sont pas moins fascinantes, comme au ralenti, avec quelque chose de fatal. Les paysages volcaniques musicaux sont aussi variés que les vrais paysages volcaniques : certains volcans éteints sont aussi des terres fertiles couvertes de vignes, d’arbres, de fleurs et de pierres qui rendent la peau plus douce – et il convient d’en restituer toute la beauté et l’abondance. Mais, comme chez Mahler, sous une apparence bucolique et charmeuse, couvent des paroxysmes qui ne demandent qu’à éclater au grand jour, avant de retomber, noyant tout sous une pluie de cendres.

Ces musiques jaillissantes sont aussi des musiques qui ont été écrites dans un temps où leurs créateurs se sentaient à l’étroit dans une vie ou une société ; elles disent quelque chose d’une volonté de s’échapper d’un cadre, par leurs formes, leurs dimensions, leurs caractères. Et il est intéressant qu’on ait tenté de placardiser, de comprimer, d’opprimer, de faire taire ces musiques : d’une façon ou d’une autre, elles réussissent à trouver une faille par où s’exprimer et se faire entendre.

Écouter de la musique, être spectateur, c’est assister à ces éruptions formidables ; mais c’est peut-être aussi ressentir, comprendre et formuler à son tour « je suis un volcan » ; car ce qui nous bouleverse et nous traverse en écoutant de la musique n’est souvent pas autre chose qu’un magma émotionnel dont le trop plein demande à sortir ; et les larmes qui coulent sur nos joues sont une autre sorte de lave. Un concert, c’est aussi un temps où l’on s’autorise à exploser, une soupape nécessaire, et où l’on se rappelle soudain que l’on est tout feu, tout flamme.