LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD

concert orchestre

ÉGLISE SAINT CORNÉLY
Place de l’Eglise
Carnac (centre bourg)

jeudi 4 septembre | 19H

Dimitri Malignan, piano
N.N., clarinette
Orchestre du Festival
Clément Mao – Takacs, direction

PROGRAMME

WOLFGANG AMADEUS MOZART
Concerto n°21 pour piano et orchestre KV 467

WOLFGANG AMADEUS MOZART
Concerto pour clarinette et orchestre KV 622

Un concert de concertos, un tutti de concerti : quel choix pour le début de la partie « orchestrale » du festival !

Trop souvent le concerto est un combat, avec d’un côté un ou plusieurs solistes, et de l’autre l’orchestre. Mais penchons-nous un peu sur cette forme, car elle nous raconte une autre histoire.

S’il y a parfois des affrontements entre l’individu et la foule, le concerto ressemble plutôt au théâtre grec, montrant un personnage tragique ou comique dont les actes et les paroles sont préparées, reprises, commentées par le chœur. Plus qu’une opposition de principe, le concerto nous donne à entendre des nuances de perception : une même phrase musicale sonne différemment jouée à l’orchestre ou par un instrument soliste.

Mieux, le concerto propose un modèle de société, où le personnage principal apprend à céder la parole à d’autres, à simplement accompagner : solo et tutti ne cessent d’échanger leurs rôles. Cela demande de la clairvoyance, de la patience, de l’humilité, et des connaissances pour distinguer ce qui relève du seul soutien et ce qui est Hauptstimme (voix principale).

Au pays du concerto, il n’y a pas de líder maximo : on va ensemble bon gré mal gré, on essaye d’aller ensemble dans une même direction. C’est un effort collectif, un mouvement qui n’exclut pas de penser par soi-même ou d’avoir des sensibilités différentes : rien à voir avec ces partis politiques qui verrouillent l’expression et ne veulent que matraquer les mêmes éléments de langage ad nauseam. « Un pour tous, tous pour un » : voilà qui pourrait être la devise du concerto, et cet élan général n’empêche pas les individualités de s’exprimer librement, dans une fédération de bonnes volontés.

Le concerto est le lieu du doute et de la surprise : on peut régler tout ce que l’on veut en répétition, au moment du concert, il faut accepter ce qui advient, voire ce qui survient : la grâce, la bifurcation, l’inspiration, l’énergie collective, les variations d’intensité de l’attention…

Un concerto, c’est un petit opéra sans paroles d’une trentaine de minutes, empli de drames joyeux ou de farces tragiques ; mais combien de choses sont dites et que d’émotions s’expriment dans ce court espace-temps ! Le cinéma ne s’y est pas trompé, lui qui aime tant piller son grand-père l’opéra, et nombre de bandes originales reposent sur l’utilisation de mouvements de concertos.

Chez Mozart, le concerto pousse à l’extrême cette dimension dramatique : on a sans cesse le sentiment que le rideau va se lever, que nous assistons à une série de scènes, de quiproquos, de hasards heureux ou malheureux, de disputes, de marivaudages. Le concerto est conversation et concertation ; on propose, on dispose, on suppose, on ose : on fait bonne mine à mauvais jeu, et l’on se retire avec grâce et élégance.

Car le jeu est ici souverain : on joue d’un instrument et l’orchestre joue à son tour ; on se joue les uns des autres, et l’on joue à cache-cache musical ; quelque chose se joue et se rejoue sur une scène imaginaire. Sur des canevas conventionnels, le génie éclate, et danse sur les cimes de l’inspiration. Pourtant, tout cela n’est possible que s’il y a du jeu, quelque chose de flexible, un léger superflu d’espace qui rend la mécanique aisée, le mouvement possible et le déroulé confortable. Le concerto, c’est l’art d’être en harmonie avec les autres : un éloge de la souplesse et de l’adaptation.